Les 15èmes Rencontres internationales de l’Association internationale de recherche sur les charpentes et plafonds peints médiévaux (RCPPM) se sont tenues dans le Puy-de-Dôme, les 1er octobre à Aigueperse et 2 octobre 2021 au château de Villeneuve-Lembron.

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Thème de la première journée : Regards sur les plafonds peints médiévaux d’Auvergne

Les Rencontres sont ouvertes par Samuel Gibiat, conservateur du patrimoine à la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes. Dans son discours, il précise combien les études des décors peints permettent une meilleure compréhension du patrimoine bâti mais que nombre d’entre eux restent encore à découvrir. Olivier Paradis, président de l’Association culturelle d’Aigueperse et ses environs (ACAE) présente le cadre historique du plafond d’Aigueperse sur la base de nos connaissances actuelles sur sa datation et son commanditaire. Depuis la première moitié du XVe siècle où il fut peint, 72 closoirs sur 90 sont parvenus jusqu’à nous.

Séparés en plusieurs groupes pour respecter les règles de sécurité de la salle des closoirs, parallèlement à la visite guidée par Olivier Paradis du plafond d’Aigueperse, Monique Bourin, présidente de la RCPPM, et Georges Puchal, administrateur de cette même RCCPM, situent les plafonds peints médiévaux auvergnats dans le cadre général du corpus européen.

Maud Pérez-Simon (Sorbonne Nouvelle-IUF, RCPPM) présente ensuite l’état de ses recherches sur le texte et l’image du plafond d’Aigueperse se concentrant sur les phylactères présents sur trois closoirs. Même si ces écritures occupent des nombres différents de lignes, il s’agit bien, dans tous les cas, de quatrains. Elle estime par ailleurs que le closoir aiguepersois avec la fameuse inscription « Pax & Amor » constitue une formule littéraire et diplomatique ayant sans doute pour objet de critiquer l’actualité politique.

En direct de Belgique, en visio-conférence, Baudouin van den Abeele (maître de recherches du FNRS, professeur à l’Université catholique de Louvain) traite des images de chasse présentes sur le plafond d’Aigueperse et notamment le closoir montrant l’emploi d’un couteau-sifflet, un rare accessoire d’oisellerie. Le véritable nom de cet accessoire représenté à Aigueperse est « couteau à frouer ». Il s’agit d’imiter le chant des oiseaux afin de les attirer en soufflant sur la lame du couteau. Par ailleurs, de manière sans doute assez acrobatique, ce même chasseur tient un « breuillet », instrument composé de deux manches en bois reliés par une ficelle passant par différents trous. Lorsque l’oiseau qu’il vient d’attirer se pose dessus, l’oiseleur tire sur la ficelle et, s’il est suffisamment rapide, l’animal se trouve ainsi capturé.

Un buffet fut ensuite servi à la mairie d’Aigueperse, ancien couvent des Ursulines.

Pierre-Olivier Dittmar de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales concentre son intervention sur les hybrides d’ici et d’ailleurs. Il remarque à ce propos que les animaux sont très présents dans le plafond d’Aigueperse avec ses 25 scènes comportant des individus non humains et 18 scènes incluant des humains. Les hybrides sont notamment présents en nombre dans la travée principale, face à la cheminée. Ainsi, il évoque la sirène, le basilic et les autres êtres hybrides présents.

Bénédicte R-Morand, qui fut chargée en 1996 de l’inventaire général du patrimoine culturel de Riom, présente le décor peint d’une charpente de cette ville. Au total, il y avait 224 closoirs, il n’en reste que 67 aujourd’hui dont certains non exploitables. On y retrouve également des armoiries et des êtres hybrides.

Martin de Framond, ancien archiviste départemental de la Haute-Loire présente le célèbre plafond peint de Brioude en mettant en avant les liens entre l’abbé, le prévôt et le doyen de cette ville et les conflits qui ont pu en découler.

Le plafond du château de Ravel étudié par Marion Monnier est l’objet de l’intervention suivante. Composé de médaillons, ce plafond fut autrefois partiellement démantelé pour que ces décorations ornent les murs de différentes pièces du château. Son travail en nécessita un inventaire afin d’en faire une étude plus détaillée. Sa recherche fut hélas arrêtée par l’incendie qui ravagea une partie du château en 2016. Heureusement, la salle des écus fut épargnée. Des travaux y furent entrepris depuis, mais leur visite n’en est pour l’instant pas permise.

Térence Le Deschault de Monredon, conseiller pour le patrimoine auprès de la commune de Theys, présente ensuite le fruit de ses recherches sur une salle peinte vers 1300 dans la maison du 3, rue de l’abbé Aury à Hérisson (Allier). Des scènes de cavaliers affrontés y sont visibles et l’héraldique subsistante témoigne de liens avec l’Artois et les Flandres.

Thème de la seconde journée : images et textes dans le décor domestique médiéval.

Les participants sont d’abord accueillis à Saint-Floret par Maguy Lagarde, maire de la commune.

Térence Le Deschault de Monredon présente les extraordinaires décors de la salle basse du château de Saint-Floret qui font notamment référence au thème de Tristan et Iseult.

Le reste de la journée se déroule à Villeneuve-Lembron. Annie Regond, professeur honoraire d’histoire de l’art introduit les participants aux textes et images des fresques de la galerie du château, puis les participants entament en deux groupes la visite.

Après le buffet pris dans la cour du château, les participants sont invités à prendre place dans la salle des blasons afin d’y suivre le programme de l’après-midi.

 

Cécile Bultet (RCPPM) présente le résultat de ses recherches sur l’écriture dans le décor domestique. Elle estime que les écritures ne sont pas toujours faites pour être lisibles, car souvent trop éloignées du lecteur (hauteur des plafonds). Elles sont plutôt là pour exister et décorer en tant que telles. De plus, dans une société médiévale où la connaissance de la lecture est rare, certains mots sont surtout visuellement connus et reconnaissables ; des mots comme « paix, mort, foi, silence, Jésus, Marie ».

Grâce à la visio-conférence depuis l’Italie, Luisa Gentile, archiviste d’Etat à Turin détaille différents exemples d’écriture sur les plafonds piémontais. Elle en distingue trois types : l’écriture identificatrice, l’écriture dévotionnelle et l’écriture politique et illustre ses propos de nombreux cas de la région du Piémont italien.

Maria del Mar Valls Fusté, de l’Université Rovira e Virgil à Tarragone, fait part de ses travaux sur les inscriptions et décors arabes dans des immeubles privés de la région de Valence et de Majorque.

Enfin, Sybe Wartena du Bayerisches Nationalmuseum à Münich fait découvrir la salle de la corporation des tisseurs d’Augsbourg et ses décorations des XVe et XVIe siècles tels que reconstitués dans son musée. Cette corporation était la plus puissante de cette cité de Bavière, elle-même État du Saint Empire Romain Germanique. On y découvre notamment des scènes religieuses issues de bibles apocryphes.

Lors de la conclusion générale, Maud Perez-Simon revient sur les principaux sujets traités au cours des deux journées et sur quelques analyses importantes qui y furent présentées.

Olivier Paradis rappelle enfin, non sans émotion, l’état du plafond d’Aigueperse qu’il découvrit en août 1977 et qui attend vainement un entretien depuis lors.  Il remarque avec plaisir l’excellent esprit d’échange intellectuel et le bel humanisme témoigné au cours de ces deux journées par les participants venus de plusieurs régions de France et d’Europe. Maintenant qu’ils ont pu l’admirer ils pourront citer le plafond d’Aigueperse.

L’ensemble de ces présentations fera l’objet d’une publication en partenariat entre la RCPPM et l’ACAE.

Là s’achevèrent les 15èmes Rencontres de la RCPPM et de leur programme incluant ce colloque, une exposition présentée à la Maison Nord Limagne aux printemps et été 2021, et une conférence ouverte au public. L’Association culturelle d’Aigueperse fut heureuse d’y participer comme partenaire et d’avoir ainsi contribué à faire connaître la riche histoire de la ville et son plafond peint qualifié de « fleuron artistique d’Aigueperse » par Jacques Corrocher, auteur de son étude il y a quelques années. 

Texte et photos : M. Debatisse, G. Gaby, N. Moulin pour Sparsae
Lundi 4 octobre 2021