Jeudi 1er décembre 2022, France-Bleu-Pays d’Auvergne annonçait l’attribution à la commune d’Aigueperse du prix de la Fondation Michelin, d’un montant de 8000€, pour la restauration du tableau d’Adolphe Brune*, La descente de croix ou Déploration**.
L’histoire de la redécouverte de ce grand tableau, hélas en bien triste état, dominant la galerie ouest de la nef de l’église Notre-Dame d’Aigueperse, débute le 14 avril 2006. Via son site internet, l’Association culturelle recevait un bref message qui se traduisit peu après par un scoop.
LE HASARD D’UN TRAVAIL DE RECHERCHE
Un courrier électronique de Mme Charlotte Manzini, professeur agrégé de lettres modernes, doctorante à l’université Paris IV-Sorbonne, concernait un tableau décorant notre église d’Aigueperse. De tous temps, cette œuvre avait été classée comme d’auteur inconnu. L’inventaire mobilier de 1906, qui faisait suite aux lois dites de séparation de l’Église et de l’État, mentionnait déjà ce tableau et situait son emplacement dans une chapelle du transept sud de l’église.
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Ce sont les recherches occasionnées par sa thèse de doctorat sur le poète Charles Baudelaire ainsi que ses recoupements de bribes d’informations diverses, qui conduisirent Mme Manzini à penser que nous disposions, dans notre collégiale, d’une copie d’un tableau commenté par le célèbre auteur des Fleurs du mal. Nous lui avons vite transmis photos et informations en notre possession. L’ACAE découvrit ainsi que c’était bien de cette imposante toile détenue par Aigueperse que le critique d’art et poète Charles Baudelaire parlait dans son Salon de 1845.
À l’occasion de la photo du tableau, on remarqua sur l’un de ses coins, la présence d’une vieille étiquette difficile à déchiffrer mais qui, une fois agrandie, dévoila clairement le numéro de catalogue de l’exposition de 1845 : 231. C’est ainsi que nous avons eu, par retour de courriel, confirmation non seulement de l’auteur de l’œuvre, Adolphe Brune, mais qu’il s’agissait en fait de l’original et non d’une copie.
La revue Sparsae, dans son numéro 58, s’empressa de demander à Mme Manzini d’accepter de publier un article** pour expliquer l’origine de la découverte et rappeler, avec 160 ans de retard, les commentaires qu’il a suscités chez de nombreux critiques d’art de l’époque, parmi lesquels on note aussi le célèbre Théophile Gautier. Dans l’enthousiasme suscité par cette découverte, la revue choisit même l’image de ce tableau observé depuis la galerie dominant le porche ouest de l’église par Jean-Pierre Marliac, ancien président de l’ACAE.
UNE RESTAURATION SERA BIENTÔT ENTREPRISE
Des devis furent récemment obtenus pour estimer les dépenses nécessaires pour déposer précautionneusement le tableau et le faire remettre en état par une restauratrice agréée par les Monuments historiques. En effet, cette œuvre oubliée depuis si longtemps a subi différents dégâts : déchirures, taches et déjections de pigeons.
Ces estimations accompagnées de l’article de Mme Manzini ayant été transmises à la Fondation Michelin***, cette dernière a choisi de financer la restauration de ce tableau ainsi que celles de trois autres œuvres du département du Puy-de-Dôme.
* On trouve aussi l’orthographe « Brunhes » Adolphe Brune(Paris, 1802-Paris, 1880). Élève du baron Gros à l’École des beaux-arts où il entre en avril 1824, Adolphe Brune expose au Salon à partir de 1833 : il affectionne particulièrement la peinture d’histoire, avec des sujets empruntés à la mythologie, à l’Ancien Testament (Caïn tuant son frère Abel au Salon de 1846 – musée des beaux-arts de Troyes) ou au Nouveau Testament. Mais il expose également quelques portraits de contemporains ainsi que des peintures de fleurs vers la fin de sa carrière. Le succès remporté au Salon par certaines de ses œuvres (par exemple Les Vertus théologales au Salon de 1838 – Avignon, musée Calvet), encourage les pouvoirs publics à lui commander des toiles pour orner des édifices religieux (comme en 1848 pour la chapelle Sainte-Catherine de l’église Saint-Roch à Paris) ou civils. Il est ainsi chargé en 1861 de décorer deux compartiments du plafond de l’ancienne salle du Trône, aujourd’hui salle des conférences du palais du Luxembourg : il y retrace les Arts de la paix (nommé généralement l’Âge de la paix) et les Français montés sur des trônes étrangers faisant hommage de leur couronne à la France (ou l’Âge de la victoire). Adolphe Brune travaillera également à la décoration de la nouvelle bibliothèque du Louvre détruite en 1871.
** Manzini (C.), « Charles Baudelaire et le mystère du tableau d’Aigueperse », Sparsae, 2006, pp. 5-20.