Grâce à une gravure conservée par la Bibliothèque nationale de France*, Joël Roure, concepteur multimédia RESTIT 3D, a entrepris la tâche très ambitieuse de restituer une image pertinente en 3 dimensions de ce à quoi pouvait ressembler le château-fort autrefois situé sur la butte de Montpensier dominant la ville d’Aigueperse.
Il a en effet remarqué qu’on distinguait bien, sur cette gravure, de nombreux détails de l’apparence de ce château avec, autour du logis résidentiel (2e moitié XVe s.), une enceinte circulaire primitive (XIIe-XIIIe s.) et, à l’extérieur, des boulevards d’artillerie (2e moitié XVIe s.).
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La butte de Montpensier fut investie et fortifiée dès l’époque carolingienne (dernière décennie du Xe s.) **; le castrum quod Mons Panchei dicitur [le château qui est appelé Montpensier] est signalé dans l’Histoire de France que rédigea entre 991 et 998 le moine rémois Richer, à l’époque où ses environs furent le théâtre d’opérations militaires qui mirent aux prises le roi Eudes et le duc Guillaume d’Aquitaine de mai à juillet 893***.
Suite aux demandes des assemblées provinciales d’Auvergne de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècle, et des consuls d’Aigueperse, le cardinal de Richelieu ordonna la destruction du château de Montpensier le 12 juin 1633.
Le contrat de démolition fut passé à Riom le 3 novembre de la même année. Le souvenir cuisant des descentes de pillage lancées par ses anciens seigneurs, en particulier les Ventadour, avait poussé les consuls et la population à souhaiter cette destruction. Pourtant, à cette époque, le gouverneur de ce château, le marquis d’Effiat, ne causait aucun danger à la ville.
La démolition commença en 1634 et s’il ne fallut guère que deux semaines pour mettre à bas les structures principales. Les pierres laissées sur place furent peu à peu extraites pour servir dans les villages environnant et pour les agrandissements entrepris par les oratoriens d’Effiat pour leur école. En 1789, il restait toujours quelques ruines, mais les carrières de gypse et d’argile qui s’y développèrent, vinrent à bout des dernières traces du château et la butte apparut en l’état où on peut la voir de nos jours, c’est-à-dire entièrement dégarnie, sans plus aucune trace apparente de ce qu’avait été cette remarquable forteresse.
DES DÉTAILS ASSEZ PRÉCIS NOTÉS PAR UN DESSINATEUR DU XVIe SIÈCLE CONNAISSANT BIEN L’ARCHITECTURE MILITAIRE
Le travail de reconstitution actuellement en cours est basé sur cette seule gravure qui fut vraisemblablement l’œuvre d’un dessinateur ayant une bonne connaissance de l’architecture militaire. L’agrandissement sur large écran vidéo de son dessin confirme le grand soin qu’il apporta aux détails, parfois infimes, qu’il reproduisit très consciencieusement.
UNE SIMULATION EN COURS
Cette tentative de restitution de l’apparence de la forteresse et du logis seigneurial de Montpensier actuellement en cours est un travail qui prendra encore plusieurs mois. On en devine sur les quelques extraits présentés ici tout l’intérêt qu’elle présente pour les chercheurs comme pour les passionnés d’histoire.
Pour être la plus complète possible, cette reconstitution devrait faire appel, si l’on voulait aller plus loin, à des recherches sur le terrain des traces de fondations et de simulations numérisées de rapatriements d’éléments architecturaux ayant fait l’objet de remplois depuis le démantèlement du château dans les environs de la butte. Mais c’est alors une autre entreprise qui n’est hélas pas proche de voir le jour.
Remercions donc RESTIT 3D de ce travail minutieux qui nous donne d’ores et déjà matière à réflexion et qui, à tout le moins, ne peut qu’exciter notre imagination.
* Plan du château de Montpensier, fin XVIe s. [BnF, fonds français 26365, fol.97].
** Fournier (Gabriel), Le Peuplement rural en basse Auvergne durant le haut Moyen Âge, Paris, 1962, p. 583-584.
*** Richer (moine de St-Rémi de Reims), Histoire de France, éd. Latouche, Paris, H. Champion, 1930, I, p. 20-27. Cf. Corrocher (J.), « Les invasions normandes en Bourbonnais et en basse Auvergne aux IXe et Xe siècles : réalité ou fiction ? », Sparsae, n°57, 2006, p. 45-48.
Sources :
Perrin (Arsène), « Petite et grande histoire de Montpensier », Sparsae, n°28, 1993, pp.23-34.
Corrocher (Jacques) & Paradis (Olivier), Bourbon-Montpensier, le destin d’un lignage et d’un titre, Sparsae hors série n°8,2013, 118 p.