L’Association culturelle a consacré le numéro d’automne 2023 de sa revue Sparsae à un élément important de notre patrimoine : le cimetière d’Aigueperse. La rédaction s’arrête notamment sur ses déménagements successifs, on pourrait donc dire sur son histoire, jusqu’à son emplacement actuel sur la route de Chaptuzat.
Les adhérents de l’ACAE reçoivent la publication par voie postale. La revue est également en vente dans les librairies et maisons de Presse de la région d’Aigueperse.
Le cérémonial funéraire durant l’Ancien Régime
Dans son article, partant des registres paroissiaux d’Aigueperse sur lesquels ont été enregistrés les décès de 1613 à 1789, Jacques Corrocher s’est attaché à retrouver les détails du cérémonial funèbre tel qu’il était pratiqué sous l’Ancien Régime. L’auteur se penche sur le cérémonial dont la diversité des ordonnancements proposés aux familles illustre généralement le degré d’importance et la volonté d’affirmation sociale du défunt ou des siens. Pour les familles plus soucieuses d’ostentation est parfois dressé un catafalque éphémère comme support d’une chapelle ardente avec profusion de luminaires (cierges allumés aux angles du monument) et de jeux de tentures.
L’auteur nous apprend que la ville d’Aigueperse bénéficiant de deux chapitres, celui de la collégiale Notre-Dame et celui de la chapelle Saint-Louis, en haut de ville, le cérémonial pour le décès d’un chanoine avait fait l’objet d’un accord afin d’éviter d’éventuelles rivalités de préséance.
Les divers cimetières d’Aigueperse
Dans une première contribution, Catherine Crochet, administratrice de l’ACAE, retrace l’histoire des différents lieux de sépulture de la paroisse d’Aigueperse. L’autrice rappelle que des travaux de réfection de la Grande rue en 1968, puis des fouilles de sauvetage en 1986 permirent de confirmer l’existence d’un cimetière au chevet même de l’église. De nombreuses sépultures y furent mises au jour et datées des XIIe et XIVe siècles. Le cimetière ainsi que la chapelle de la Madeleine, en haut de ville, dont la seule trace actuelle est la dénomination d’une impasse – impasse de la Magdeleine – furent abandonnés au milieu du XVIIIe siècle.
Les autres cimetières, notamment celui de la Recluse, en bas de ville, comme la série de déplacements du cimetière municipal et ses agrandissements sont à cette occasion détaillés ainsi que les débats qu’ils suscitèrent dans la municipalité.
L’art funéraire au cimetière d’Aigueperse
Dans son second article, Catherine Crochet parcourt les allées du cimetière pour y relever la grande diversité de l’art funéraire présent ainsi que du symbolisme qu’on y rencontre qu’elle nous apprend à décrypter. En effet, les tombes peuvent révéler non seulement l’identité du défunt, elle-même parfois accompagnée de quelques autres renseignements, mais on peut aussi y entrevoir l’image souhaitée du ou des défunt(s) laissée aux futures générations. Par ses stèles, ses grilles d’entourage, ses chapelles funéraires, ses sculptures diverses, ses inscriptions, ses vases, ses croix, le cimetière d’Aigueperse constitue un véritable dictionnaire de la symbolique funéraire que l’autrice nous fait découvrir pas à pas.
Trois Aiguepersois inhumés à Aigueperse
La revue propose également de s’arrêter sur trois anciens Aiguepersois inhumés au cimetière d’Aigueperse.
1. Henri Diot
La vie de ce leader syndicaliste puydômois, militant de la Confédération générale du travail unitaire (CGTU), qui demeurait en bas de ville, est retracée par Éric Panthou.
Un temps chef de travaux aux usines Michelin à Clermont-Ferrand, Henri Diot fut dessinateur à l’usine de la Compagnie des Signaux de Riom. Son action lui valut de subir la répression patronale pour faits de grève. En 1936, membre de la direction fédérale du Parti communiste français du Puy-de-Dôme, alors qu’il habite encore Gannat, il devint gérant de l’hebdomadaire communiste de l’Allier et du Puy-de-Dôme, La Voix du Peuple. Bon orateur et jouissant d’une estime des ouvriers, il dirige les grèves de 1936, durant la longue action menée par 8000 couteliers et assimilés de Thiers et sa région. Puis, c’est le dur conflit de la câblerie de Riom de l’automne 1936 qui se solde par une défaite. À la déclaration de guerre, Henri Diot est mobilisé dans une unité d’artillerie antichar mais il est fait prisonnier dès juin 1940 et interné en Allemagne d’où il s’évade en février 1942 avant de rejoindre le maquis de la Loire et de devenir responsable des Francs-tireurs et partisans français (FTPF) pour la région de Saint-Étienne.
2. Claude Frédix
S’appuyant sur la documentation fournie par Jean-Claude Rosenwald, actuel président de la Société d’histoire de Vitry-sur-Seine, Michel Debatisse nous fait découvrir un autre militant également enterré à Aigueperse, Claude Frédix, dont les parents furent employés municipaux de la ville.
En 1942, il n’a que 14 ans lorsqu’il est embauché à l’usine d’Aigueperse de la Manufacture de produits chimiques pour l’agriculture et l’élevage, Charles Auraix. Dans les dernières semaines de l’Occupation, malgré son jeune âge, il entre dans la Résistance au sein des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) et participe à quelques actions dans la région de Riom.
A la Libération, après son service militaire en Algérie, il est peu de temps maître d’hôtel au Casino de Vichy, puis embauché comme steward (personnel navigant) à Air France qui l’affecte à son agence d’Alger. À l’indépendance de l’Algérie, le personnel de la compagnie est rappelé en France pour être basé à Orly. Peu après, souffrant, il est hospitalisé et doit quitter son emploi.
Nul doute que si l’ACAE avait existé, Claude Frédix s’en serait rapproché, car il avait une passion pour l’Histoire. C’est ainsi qu’il créa en septembre 1966 la Société d’Histoire et d’Archéologie de Vitry-sur-Seine qu’il présida jusqu’à son décès le 1er janvier 1970.
3. Victor Auguste Robin
C’est à cet officier de la coloniale de la seconde moitié du XIXe siècle, enterré au cimetière d’Aigueperse, qu’Éric Schella consacré un article très illustré. Est-ce par ennui ou par intérêt, pendant son affectation au Tonkin, l’actuel Viêt-Nam, que cet officier emploie son temps libre à crayonner sur des cahiers d’aimables caricatures, parfois moqueuses malgré tout, des populations militaires et civiles qu’il y côtoie ?
Sa dernière affectation à Moulins, comme chef d’escadron d’un régiment du train des équipages, le rapproche à sa demande de sa belle- famille aiguepersoise. Avec le grade de lieutenant-colonel, il part en retraite en 1905, mais décède brutalement en décembre 1907, à l’âge de 60 ans. En illustration de cet article, l’auteur propose une sélection de ses dessins choisis parmi une centaine croqués pendant sa présence au Tonkin.